cathy modérateur
Nombre de messages : 11078 Emploi : Assistante maternelle Date d'inscription : 24/08/2005
| | Pikler : Bilan après 2 années de pratique. | |
Cela fait maintenant un peu plus de deux ans que je base mon travail sur une approche « piklerienne » de l’éducation et je pense pouvoir maintenant faire un petit bilan professionnel sur cette façon de faire. Je vous livre donc mes impressions.
Tout d’abord, il faut peut être, pour les nouvelles et celles qui ne connaîtraient pas encore, que je rappelle les bases de cette approche telles qu’elles peuvent nous servir dans l’exercice de notre profession d’assistante maternelle.
Travailler « à la Pikler » donc c’est donner une importance primordiale à la motricité libre : dès 3 mois, l’enfant est donc placé le plus souvent possible à plat dos sur un simple tapis, l’assistante maternelle ayant pris soin de posé autour de lui des jeux adaptés à son évolution.
Ce bébé ne sera jamais mis dans une position qu’il n’a pas expérimenté de lui-même, si bien qu’il ne sera jamais assis avant qu’il ne sache le faire tout seul, qu’il ne sera jamais aidé en le tenant par les mains pour le faire marcher. Ainsi trotteur, transat et même chaise haute ne seront pas utilisés. Plus tard l’enfant expérimentera de lui-même son environnement et les jouets qui sont mis à sa disposition, ce qui implique qu’on ne lui montrera jamais comment poser la pièce de son puzzle ou comment emboîter des éléments. D’une manière générale, on ne lui apprendra rien au sens pédagogique du terme avant qu’il ait au moins 18 mois.
Travailler « à la Pikler » c’est aussi accorder aux soins et aux repas une importance telle qu’ils doivent toujours être source de bien-être pour l’enfant. Chaque enfant accueilli doit sentir que ces moments lui appartiennent totalement et qu’il peut faire confiance à l’adulte. Les gestes doivent être toujours très doux, sans oublier auparavant d’expliquer chaque geste à l’enfant.
Travailler « à la Pikler » c’est enfin faire une totale confiance à l’enfant qui a les capacités d’être le moteur de son propre développement.
Lorsque j’ai commencé à travailler de cette façon, je ne pensais pas que les résultats seraient si probants.
Je tiens à signaler en tout premier lieu qu’au point de vue acquisition des postures (station assise, marche…) il n’y a aucune différence. Les enfants que j’ai accueillis depuis deux ans ont marché à peu près au même âge que ceux que j’avais stimulé à outrance en me cassant le dos pour leur « apprendre » à faire leur premier pas. Je tiens à faire cette remarque en premier afin de rassurer les personnes qui pourraient penser que laisser faire l’enfant va provoquer un retard dans les acquisitions.
Mais la chose la plus spectaculaire je trouve, c’est que depuis deux ans, je n’ai à déplorer aucune chute, incident ou accident (je touche du bois !!!) qui auraient nécessité l’utilisation de la trousse d’urgence, si bien que je me suis aperçue avant les vacances que je n’avais même pas racheté d’Hémoclar et que celui que j’avais était périmé.
Je ne dis pas que les enfants ne tombent pas, mais ils ne se font pas mal. Comme on ne les sollicite pas, ils se lancent dans une exploration de l’espace seulement si ils sont suffisamment sûrs d’eux.
Un exemple précis : le toboggan. Avant j’aidais les enfants à monter sur les marches, je les tenais pour ne pas qu’ils tombent. Il en résultait un stress important de ma part, car les enfants eux ne faisaient pas attention au fait que j’étais là pour les assurer ou pas. Il est donc arrivé qu’ils tombent en essayant de faire seul, un acte qu’ils n’étaient pas capables de faire. Maintenant je ne les aide plus et aucun ne s’est lancé dans l’ascension d’un toboggan si il n’était pas dans la capacité d’arriver jusqu’à bout. Bilan de l’opération Nounou n’est plus stressée et je ne vous dit pas le plaisir de l’enfant quand il arrive enfin à faire comme les copains sur le toboggan. L’aider à monter c’est le priver de ce plaisir.
Au niveau des soins, le changement de couche n’est plus vécu de ma part comme une corvée à laquelle il faut se soumettre. C’est un réel moment d’échange avec l’enfant qui très vite participe activement à son change. Il n’y a pas de pleurs, et l’enfant est serein.
Les repas en général se passent bien pour ce qui est des tout petits. Pour les plus grands, il arrive, au moment de l’apparition des « néo-phobies » que les repas soient un peu moins cool qu’avec un bébé mais je fais confiance à l’enfant et ce n’est donc plus une source de conflit.
Les parents sont en général satisfait, d’autant plus que désormais, j’arrive à leur expliquer mon travail en véritable professionnelle, ce qui n’était pas forcément le cas au début. Certains parents m’ont fait remarquer que cette façon de faire donnait aux enfants le goût de l’effort et de ce fait, en faisait des êtres ouverts à la découverte et avides de connaissances.
Bien sûr, cela ne règle pas tous les problèmes (ce serait trop simple) et toutes mes réticences du début n’ont pas disparues.
Notamment j’avais peur que cette façon de faire qui fait que tout conflit avec l’adulte est évité à l’enfant ne prépare pas celui-ci à une socialisation correcte. Et il se trouve que j’ai remarqué effectivement que les enfants que j’accueille ont un peu de mal à se faire à l’ambiance de la ludothèque par exemple. Ils sont très vite affolés lorsqu’une nounou crie un peu trop fort, cherchent souvent à se rapprocher de moi et reforment souvent les binômes de la maison, plutôt que de se faire de nouveaux petits copains. Mais à vrai dire, je n’en ai jamais discuté avec les autres assistantes maternelles et peut être que cette façon de faire est commune à tous les enfants. En fait je reporte peut être sur eux mes propres angoisses et c’est à moi de faire un travail psychologique là-dessus.
Une autre chose aussi qui a son importance, travailler ainsi ne m’a pas permis de résoudre tous les conflits qui peuvent se produire entre les enfants. La jalousie, les envies de piquer le jeu du voisin, les disputes voire même les violences existent toujours. Mais là aussi, je pense que c’est à moi de travailler là-dessus. Notamment pourquoi ne pas acheter les jeux en deux exemplaires identiques afin d’éviter quelques conflits. Au lieu d’avoir 6 jeux d’encastrement différents, ne serait-il pas plus judicieux d’en n’avoir que 3 mais en double !
Je pense aussi que je dois rester vigilante et arriver à anticiper les conflits pour pouvoir, pourquoi pas, proposer une activité plus dirigée lorsque la tension monte.
Enfin pour conclure, je dirais que le bilan est quand même largement positif et mon travail beaucoup plus intéressant.
Voila pour mon ressenti. J’aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez (enfin pour celles qui auront eu le courage de me lire jusqu’à la fin !!!!) | |
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Ven 28 Aoû 2009 - 15:01 Nounouche94